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Texte sur le Khumbu et la région de l'Everest

Le Khumbu, entre silence minéral et géants de glace,

entre découverte physique et spirituelle

 

 

 

 

Né du chaos, les hauts sommets émergent sur Terre

 

Il y a des millions d’années, la rencontre des plaques tectoniques indienne et eurasienne bouleverse la surface du globe. De ce choc naît la chaîne himalayenne, qui compte aujourd’hui 14 des plus hauts sommets du monde — dont huit se trouvent au Népal. Parmi eux, l’Everest, surnommé « le toit du monde », culmine à 8 848 mètres.


Son nom occidental vient du cartographe britannique George Everest, qui en 1847 en calcula la hauteur. Mais ce sommet mythique porte bien d’autres noms : Chomolungma en tibétain, Sagarmatha en népalais, Zhūmùlǎngmǎ en chinois. Plusieurs noms pour une montagne qui chevauche deux pays — la Chine (face nord) et le Népal (face sud). Tout autour, des pics acérés et des parois glacées dessinent un paysage aussi grandiose qu’inhospitalier.



Une terre de marche, d’introspection et d’altitude


Ma région du Khumbu, peuplée par les Sherpas, s’étend depuis l’aéroport de Lukla et l’entrée du parc national de Sagarmatha jusqu’aux plus hauts sommets. Au creux d’un cirque de montagnes, le village de Namche Bazar, organisé en Y, est le point de départ de nombreuses vallées qui serpentent jusqu’aux moraines et aux glaciers, en direction des camps de base ou de la frontière chinoise.


Depuis l’ouverture du Népal aux étrangers en 1951, Namche Bazar est devenu un centre névralgique du commerce et du tourisme de haute altitude. Peu à peu, des villages ont été construits pour accueillir les expéditions et les trekkers.


Mais malgré des périodes de fréquentation touristique intense, il existe des moments de l’année où le silence et le calme reviennent dans le Khumbu. C’est alors un moment idéal pour vivre pleinement ce voyage physique et spirituel. Moins perturbée, l’introspection se fait plus naturellement, tout comme l’acclimatation.


Tout est lié. Car ici, l’altitude est un défi. Bien dormir permet une meilleure récupération et une oxygénation suffisante pour progresser en toute sécurité sur les pentes. Le mal aigu des montagnes peut frapper sans prévenir, du simple mal de tête à l’accident fatal. Il faut écouter ses sensations, son souffle, son rythme — et savourer le moment présent.


Le parc national du Sagarmatha abrite une faune et une flore d’altitude étonnantes. Les paysages changent au fil de la progression : forêts épaisses, rhododendrons, puis monde minéral. À partir de 4 000 mètres, la haute montagne impose sa loi.


Les Sherpas, d’origine tibétaine, ont migré ici depuis plusieurs siècles. Le mot « Sherpa », devenu synonyme de porteur ou de guide, désigne en réalité une ethnie chaleureuse, plurilingue, dotée d’un profond sens de l’accueil. En chemin, le Sherpa devient souvent bien plus qu’un accompagnateur : un compagnon de route, parfois un ami.

 

 

La conquête de l’Everest, entre mythe et mystère


Dans les années 1920, alors que le Népal est encore sous influence britannique, une expédition anglaise obtient l’autorisation de tenter l’ascension de l’Everest.

En 1924, George Mallory et Andrew Irvine disparaissent sur les pentes du géant. Un témoin les aperçoit une dernière fois à la jumelle, proches du sommet… puis les nuages les engloutissent.

Ont-ils atteint le sommet avant de mourir ? Un problème d’oxygène ? Une tempête ? On ne saura peut-être jamais.


En 1999, une expédition retrouve le corps de Mallory, sans son appareil photo ni la photo de sa femme, qu’il voulait déposer là-haut. Irvine, lui, reste introuvable. Peut-être détient-il encore le Kodak qui révélera un jour la vérité.


En 2024, une nouvelle expédition découvre une chaussure et une chaussette marquées au nom d’Irvine. Un prélèvement ADN a été effectué. Bientôt, nous en saurons peut-être davantage.



L’Everest vaincu, le tourisme de masse en marche


Le 3 juin 1950, les Français Maurice Herzog et Louis Lachenal gravissent l’Annapurna I (8 091 m), devenant les premiers hommes à atteindre un sommet de plus de 8 000 m.


Le 29 mai 1953, c’est au tour de Sir Edmund Hillary et du Sherpa Tenzing Norgay de vaincre l’Everest. Ils deviennent officiellement les premiers à atteindre le sommet et à redescendre vivants.


À partir de là, l’Himalaya s’ouvre aux expéditions internationales. On bâtit des lodges dans les villages autrefois isolés. Les sentiers voient affluer des passionnés de montagne, des marcheurs, des rêveurs, des photographes.

 


Mani Rimdu, spiritualité vivante des sommets


Malgré une densité de population faible, la région du Khumbu est culturellement très active. La frontière tibétaine, toute proche, entretient depuis toujours des liens spirituels et commerciaux avec le Népal.


Le bouddhisme tibétain, pilier de la culture sherpa, irrigue les vallées. Monastères, moulins à prières, drapeaux multicolores flottant au vent : tout ici respire la spiritualité.


Chaque année, le monastère de Tengboche accueille le grand festival bouddhiste de Mani Rimdu. C’est un moment fort, où se rassemblent pèlerins tibétains, népalais, trekkeurs et villageois.

Danses rituelles, prières, partages… Le thé au beurre de yak réchauffe les cœurs. Les masques, les chants et les costumes fascinent. Une parenthèse hors du temps, suspendue au cœur des montagnes.